Parution mensuelle

No 723

AVRIL 2024

OLÉ ! A

COUP DE CRAYON D'OLÉ !

OLÉ ! A ÉCOUTÉ

LA MAL COIFFÉE,
ROGE CAPARRUT
Le silence, la vibration d’une corde, le son d’une percussion, une voix entonne, suivie par un chœur, et le chant s’élève sur ce vœu formulé par la poésie de Laurent Cavalié : Que la nòstra cançon fendascle lo silenci / se racontam pas d’istòria / farà pas levar los morts. / Se dels paures garçons lo monde se rementa / aquò farà nòstra jòia / aquò farà pas de tòrt ; “Que notre chanson fissure le silence / on ne se raconte pas d’histoire / ça ne fera pas lever les morts. / Si des pauvres garçons le monde se souvient / ça fera notre joie / ça ne fera pas de tort” (An culhit lo silenci) ; “joie” arrachée à ceux qui cueillent le silence pour mieux y réduire ses opposants dans la violence et le fracas du mépris.
C’est à quérir cette part de dignité, de liberté, de bonheur possibles que convie ce collectif de femmes révoltées dont les chansons s’écoutent comme la montée d’une marée sonore mêlant cordes instrumentales et vocales, percussions corporelles et instrumentales, jusque dans la stridulation d’un chant de qui relève la tête face aux défaites quotidiennes qui ne sauraient nier le sens des luttes engagées, à se battre pour survivre, pour vivre, et au-delà pour exister, dans les combats historiques dont le parolier garde la trace comme dans les épreuves incontournables de ces mêmes existences aux prises avec les répressions de leur temps, en véritables appels…
À congédier les vieilles craintes sournoises (La vièlha paur), à mettre à l’honneur la lenteur (La femma lenta), à frapper des pieds pour se donner du courage (Patarem), à pleurer d’espoir inconsolé face aux flammes des bûchers (Lenhers), à déployer les rêves d’un petit pays au peuple libre dont les couleurs salvatrices retrouvent le Roge initial : De roge per la dança, / de blau per la cançon, / de jaune pels mainatges, / d’irange per la patz ; “Du rouge pour la danse, / du bleu pour la chanson, / du jaune pour les gosses, / de l’orange pour la paix.” (Petit país), à rendre hommage à Bernard Délicieux, ce moine Franciscain qui défia au XIVe siècle l’Inquisition par la seule force de sa parole (Deliciós), à scander De fèr, de fèr, de fèr, de fèr ! ; “Du fer, du fer, du fer, du fer !” dans un titre tiré d’un poème d’Auguste Fourès (Fargaires de lamas), à annoncer le règne au métal dérisoire, Siècle après siècle, des hommes, curieux intermédiaires entre rien, les animaux, les dieux et tout (Sègle par sègle), à s’ouvrir enfin à l’incantation circulaire, spirale intensive d’un rondeau enchaîné : L’anar es pas lo venir / lo venir es pas lo partir ; “L’aller n’est pas le venir / le venir n’est pas le partir” (Rondeù encadenat), ultime envolée de cet album-joyau au rouge abrasif !

Rémy Soual

La Mal Coiffée, Roge Caparrut, Sirventés / L’Autre Distribution, 2e opus d’une trilogie commencée avec Roge.

OLÉ ! A ÉCOUTÉ

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