Parution mensuelle

No 723

AVRIL 2024

OLÉ ! A

COUP DE CRAYON D'OLÉ !

OLÉ ! A LU

GEORGES DIDI-HUBERMAN
SURVIVANCE DES LUCIOLES, DÉSIRER DÉSOBÉIR, 1, IMAGINER RECOMMENCER, 2, CE QUI NOUS SOULÈVE
Éminent critique d’art et "philosophe de l’image", Georges Didi-Huberman a écrit quelques livres considérables qui ont fait notre bonheur de lecture cet été et qui méritent votre attention, lecteurs de cette chronique en hommage, car ils sont susceptibles de faire écarquiller les yeux à tous ceux qui auront la belle initiative de partir à la découverte de la pensée de ce philosophe, historien et anthropologue des images qui envisage les plus intrigantes et les plus instigatrices d’entre elles comme des traces d’une résistance à l’œuvre depuis son formidable et paradoxal essai partant de l’article de Pier Paolo Pasolini, intitulé « La disparition des lucioles », pour envisager leur possible survivance d’images-lucioles : "Les lucioles n’ont disparu qu’à la vue de ceux qui ne sont plus à la bonne place pour les voir émettre leurs signaux lumineux. On tente de suivre la leçon de Walter Benjamin, pour qui déclin n’est pas disparition. Il faut "organiser le pessimisme", disait Benjamin. Et les images - pour peu qu’elles soient comme images-lucioles - ouvrent l’espace pour une telle résistance." (Survivance des lucioles).
Signes d’une résistance au présent de la part de cet herméneute des interprétations ouvertes par les images, retours réactionnaires au passé ou visions révolutionnaires du futur, les plus récentes sommes qu’il a bâties sur ce double mouvement poétique, historique, dialectique qui traverse ces récits d’images qui sont toutes portées par Ce qui nous soulève : Désirer désobéir, 1, Imaginer recommencer, 2, croise à la fois des analyses philosophiques dont il interroge le vocabulaire conceptuel, des œuvres littéraires dont il explore l’univers créateur, et des traces des gestes, de tous les gestes quotidiens, artistiques, poétiques ou politiques qui signent une volonté de soulèvement, quelle qu’en soit la noblesse ou la trivialité des causes, examinant tant l’idéologie dont ils sont empreints que l’idéal dont ils sont porteurs, pas seulement sur le plan métaphysique des idées, mais plutôt sur celui immanent de la vie en émergence, avec tout ce qui nous "soulève" ou nous "accable", nous fait "espérer" ou "redouter", nous traverse et nous fait agir, acteurs, agissants, faits-actes.
Le texte en exergue de ce travail remarquable, loin d’en résumer la portée, tant par la finesse des intuitions que par la profondeur des analyses, révèle la plénitude de l’horizon tour à tour sombre ou clair, mais toujours rougeoyant, de ces désirs de se lever qui nous traversent - tous et chacun - dans leur dimension la plus humaine, la plus concrète, la plus politique ou la plus poétique, dans cette brutalité désirante et cette pluralité signifiante, irréductibles perspectives de sens qu’en partage le philosophe de l’art émérite : "Nous avions beaucoup enduré et puis, un jour, nous nous sommes dit que cela ne pouvait plus durer. Nous avions trop longtemps baissé les bras. À nouveau cependant - comme nous avions pu le faire à l’occasion, comme d’autres si souvent l’avaient fait avant nous - nous élevons nos bras au-dessus de nos épaules encore fourbies par l’aliénation, courbées par la douleur, par l’injustice, par l’accablement qui régnaient jusque-là. C’est alors que nous nous relevons : nous projetons nos bras en l’air, en avant. Nous relevons la tête. Nous retrouvons la libre puissance de regarder en face. Nous ouvrons, nous rouvrons la bouche. Nous crions, nous chantons notre désir. Avec nos amis nous discutons de comment faire, nous réfléchissons, nous imaginons, nous avançons, nous agissons, nous inventons. Nous nous sommes soulevés." (Ce qui nous soulève, Désirer désobéir, 1).

Rémy Soual

OLÉ ! A LU

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